Décès de Roland Weyl

Roland Weyl, résistant, communiste et doyen du Barreau de Paris, est décédé le 20 avril 2021 à l’âge de 102 ans. Le Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud, dont il était l’un des vice-présidents fondateurs, salue la mémoire d’un militant infatigable de l’internationalisme et de la dignité humaine.

Roland Weyl au 4e Forum coréen international tenu à Séoul du 17 au 21 septembre 2012

Né à Paris en 1919, Roland Weyl devient avocat en juillet 1939, mais les persécutions antijuives vont bientôt l’empêcher d’exercer. Durant la guerre, il rejoint la résistance communiste, puis adhère au Parti communiste en 1946. Il devient également la figure de proue de l’Association internationale des juristes démocrates dont il était le premier vice-président. Il était de tous les combats anticolonialistes et pour la défense des travailleurs, et exerçait toujours sa profession, inlassablement, même après ses cent ans passés.

En matière de droit international, il parcourait le monde pour rappeler les principes intangibles de la Charte de l’ONU, conquise de haute lutte en 1945 par les peuples unis contre le fascisme, notamment pour lutter contre le droit d’ingérence, vision du monde qui revient malheureusement en force actuellement avec l’équipe au pouvoir à Washington. Mais face à ces exactions, nous savons qu’il y aura toujours des hommes de la trempe de Roland Weyl pour se dresser et pour lutter.

Reprenant à son compte l’adage coréen « mieux vaut avoir vu une fois qu’entendu parler cent fois », il avait encore visité la Corée du Sud en 2019 et plaidé inlassablement pour une paix véritable dans la péninsule coréenne. En mars 2018, lors d’une conférence organisée à la Bourse du travail à Paris, intervenant au nom de l’association Droit Solidarité, il avait jugé « possible et souhaitable, en accord avec le droit international public fondé sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, de restituer au peuple coréen (du Nord, du Sud et de la diaspora) sa souveraineté en décidant de son destin, dans le cadre de négociations entre les deux gouvernements coréens, d’une assemblée constituante ou du choix d’une constitution par référendum ».

Le Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud adresse ses plus sincères condoléances et l’expression de sa sympathie la plus profonde à la famille et aux amis de Roland Weyl.

 

Arrestation arbitraire d’une militante sud-coréenne

Le 11 avril 2020, une jeune étudiante militante du Parti démocratique populaire (PDP) a été arrêtée par la police. D’abord détenue au commissariat de Jong-ro de Séoul, elle vient d’être transférée au parquet général sud-coréen.

Le parquet a délivré un mandat d’arrêt au motif que l’étudiante Kim Na-jin, ayant participé aux actions devant l’ambassade des États-Unis à Séoul, ne s’est pas présentée à l’audience concernant la violation des lois sur le rassemblement et les manifestations.

Cette militante a pourtant déjà été détenue pendant 48 heures juste après avoir participé aux actions contre l’ambassade américaine et s’était bien présentée à l’audience. Puis elle avait compris que l’audience suivante devait être reportée.

Le fait d’arrêter une jeune étudiante avec mandat d’arrêt sous prétexte qu’elle ne s’est pas présentée au procès par erreur, à cause d’un malentendu sur la date, nous montre l’intention cachée du parquet de réprimer le parti progressiste.

De plus cette arrestation est complètement illégale. En effet, l’article 277 du code de procédure pénale sud-coréen prévoit que dans le cas d’affaires légères (entraînant une amende de moins de cinq millions de won, soit 3 750 euros), la présence des accusés n’est pas obligatoire. En l’occurrence, il s’agissait d’une amende de moins d’un million de won (soit 750 euros) concernant la violation des lois sur le rassemblement et les manifestations.

L’arrestation de l’étudiante Kim Na-jin constitue donc un abus de pouvoir manifeste  et une grave violation des droits de l’homme. Etre arrêté pendant des semaines voire des mois sans jugement porte atteinte au droit à un procès équitable.

Le parti de Kim Na-jin, le Parti démocratique populaire, a annoncé qu’il allait mener diverses campagnes sous forme de rassemblements, conférences de presse, manifestations, piquets et veillées 24/24h devant le parquet de Séoul pour la libération de cette militante intrépide.

Aymeric Monville, président du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud

Information en coréen ici :

http://minzokilbo.com/wp/?p=65987

Le Pasteur Lee à l’avant-garde du combat démocratique en Corée du Sud

Autour du 1er mai 2019, à l’initiative du Parti démocratique populaire, une délégation franco-vénézuélienne composée principalement de syndicalistes, d’artistes et d’intellectuels, dont notamment le célèbre architecte Fruto Vivas, a gagné Séoul pour divers événements politiques et artistiques. Aymeric Monville, président du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud, s’est quant à lui rendu à la prison d’Inch’on pour s’entretenir avec le Pasteur Lee, actuellement sous les barreaux. Cet article, qui relate le combat du pasteur pour la démocratie et la réunification, est aussi l’occasion de faire le point sur les enjeux touchant à une démocratisation pleine et entière du pays, laquelle ne peut passer que par l’abrogation de la Loi de sécurité nationale. (n.d.r.)

J’ai rencontré pour la première fois le pasteur Lee en 2018 quelque part dans la zone démilitarisée entre les deux Corée. C’est là qu’il avait installé son temple, non pas comme certains évangélistes pour faire de la propagande en direction du Nord, mais pour oeuvrer à la réunification par le dialogue et la concertation. Face à certains de ses coreligionnaires, oeuvrant eux aussi en zone démilitarisée mais avec des intentions militaristes et revanchistes, il lui fallait rappeler par exemple que l’idée de bâtir un sapin géant à la frontière et de l’illuminer avec le plus d’électricité possible en pensant ainsi épater le Nord par cette pyrotechnie était tout simplement puéril et n’avait rien à voir avec l’esprit évangélique de Noël… Au moment où j’ai rencontré le pasteur Lee, celui-ci recevait des visiteurs étrangers et prenait soin du camarade An Hak Sôp, cet homme qui a fait 43 de prison en Corée du Sud parce qu’il n’a jamais voulu abjurer son communisme. C’était très émouvant de voir en acte le rapprochement patriotique de la rose et du réséda au coeur de toutes les fractures du pays. Cela rappellera sans doute aux plus âgés d’entre nous que c’était aussi un prêtre ouvrier, Désiré Marle, qui avait présidé le comité Honecker (actuellement Comité Internationaliste pour la Solidarité de Classe) en soutien aux communistes persécutés après la disparition de l’URSS.

De son nom complet, le pasteur Lee s’appelle Yi Chôk Moksa. Moksa veut dire « pasteur ». Yi est le nom de famille, prononcé I, transcrit Ri au Nord et Lee au Sud, transcription sans doute excessivement anglo-saxonne qui sied mal à ce pasteur militant qui vient de tenter, par deux fois, de mettre le feu à la statue du général Mac Arthur à Inch’ôn, le port de Séoul, lieu de débarquement des troupes US en 1950 au début de la guerre de Corée.

Pour mémoire, la guerre de Corée a causé la mort de 3 millions de personnes, principalement des Coréens, pertes qui dépassent, pour donner un point de comparaison, celles du Japon pendant la Seconde Guerre mondiale. Le haut commandement US, qui avait même envisagé d’envoyer des bombes atomiques, s’était contenté de ravager le pays en remettant en place les collaborateurs des fascistes japonais afin d’anéantir les forces de libération nationale coréennes qui avaient pourtant lutté elles aussi contre l’Empire du soleil levant pendant la guerre… Après la guerre, le Nord de la Corée n’était plus qu’un champ de ruines.

Il faut enfin comprendre que ces monuments sont en fait conçus comme autant d’humiliations du sentiment patriotique coréen. Sur la grand-place de Séoul, Kwanghwamun, l’ambassade US a succédé au siège du gouvernement général japonais… Le bâtiment, véritable chancre au coeur de la ville, toise la statue du roi Sejong, inventeur en 1446 de l’alphabet coréen.

Pour cette performance artistique sur fond de déconstruction dérridéenne des mythes fondateurs de l’actuelle République de Corée, le pasteur Lee est actuellement en prison, à Inch’ôn. Cette année, nous sommes allés lui rendre une visite de solidarité, au nom du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud. On ne sait toujours pas quand il pourra sortir sachant que le procès n’a pas encore eu lieu et qu’il est hors de question pour le pasteur de payer la moindre caution. Comme notre entretien à la prison s’est fait en la présence d’un fonctionnaire prenant des notes et la manifestation de soutien qui a suivi notre visite sous le regard d’un drone (on n’arrête pas le progrès), je pense que les autorités à Séoul comme à Washington savent déjà parfaitement que nous exigeons au plus tôt la libération du pasteur. La prison, Lee en a malheureusement l’habitude, depuis l’époque du dictateur Chôn Tuhwan, grand ami de Ronald Reagan. Il a fallu au pasteur de nombreuses années pour se remettre des séquelles des tortures qu’il y a subies. Infatigable, le pasteur Lee poursuit son combat pour la réunification du pays sans ingérence étrangère.

Après quarante ans de fascisme et trente années de grande incertitude qui ont bien failli ramener la dictature, le combat du pasteur Lee est absolument nécessaire pour se débarrasser une bonne fois pour toutes des hypothèques qui pèsent sur la démocratisation du pays, à commencer par cette loi de sécurité nationale, d’un autre âge, qui réprime de manière arbitraire et discrétionnaire la liberté d’expression. Il faut enfin permettre à la population coréenne de décider de son destin sans ingérence étrangère dans leurs affaires. Ce combat pour le libre respect des consciences est aussi celui de la paix dans la région, ce qui signifie aussi la paix dans le monde.

Aymeric Monville, président du Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud, mai 2019

le pasteur Lee dans ses oeuvres, devant la statue du général Mac Arthur

le pasteur Lee devant une prison pour soutenir d’autres camarades (bien sûr avant son incarcération)

avec le camarade An Hak Sôp devant la prison d’Inch’ôn pour exiger la libération du pasteur Lee

lors d’une manifestation devant le parc « libre » (baptisé ainsi car il célèbre les Etats-Unis, bah voyons) où l’on aperçoit, en fond, la statue du général atomique

Victimes de viols en Corée du Sud : l’urgence d’agir pour mettre en échec les failles de la loi dans une société conservatrice

Le cas d’une femme qu’on appellera D. est symptomatique de la difficulté pour les victimes de viol d’avoir droit à un procès équitable en République de Corée : la raison tient non seulement à la définition légale des agressions sexuelles mais aussi aux pratiques dans une société empreinte du néoconfucianisme le plus conservateur.

Dans une dépêche AFP intitulée « Combattre pour la justice en Corée du Sud, où la vérité peut être un crime », Jung Hawon souligne combien le dépôt de plainte est rendu encore plus complexe et douloureux par la pratique des personnes mises en cause de contre-attaquer en déposant à leur tour une plainte pour diffamation. Cette plainte sert non seulement de moyen d’intimidation (avec la possibilité d’obtenir un dédommagement si l’affaire d’agression sexuelle ne conduit pas à ce que la partie ayant déposé la plainte l’emporte), mais aussi comme moyen de marchandage – le retrait de la plainte pour viol en contrepartie du retrait de la plainte pour agression sexuelle.

Le témoignage de D. (qui a, elle, été victorieuse après deux ans de procédure) et l’article de Jung Hawon mettent aussi l’accent sur des pratiques témoignant du profond conservatisme patriarcal de la société sud-coréenne :

–   dans le cas de D., le policier menant l’enquête lui a demandé quelles étaient ses motivations alors que ses accusations « détruisaient la vie d’un jeune homme prometteur » ;
– toujours en ce qui concerne D., le violeur condamné avait créé un blog et ouvert un site de discussion en ligne où il accablait sa victime ;
– la loi sud-coréenne définit le viol non sur la base de l’absence de consentement, mais sur le recours à la violence et à l’intimidation.

Cet état de fait se traduit également par des statistiques préoccupantes quant aux droits des femmes en Corée, avec des écarts records de salaires entre les femmes et les hommes parmi les pays membres de l’OCDE, ou encore une proportion record de femmes parmi les victimes de meurtres (52 %, à comparer avec une proportion de 22 % aux Etats-Unis et en Chine et de 41 % en Inde).

Le combat pour les droits des femmes en Corée et contre la culture de l’impunité en matière de viols implique non seulement de changer la loi, mais aussi une mobilisation de l’opinion, en Corée et dans le monde, pour changer les mentalités : tel est l’objectif fondamental du mouvement #MeToo. Le Comité international pour les libertés démocratiques en Corée du Sud est pleinement partie prenante de ce combat.

Séoul : les chauffeurs de taxi ont fait grève contre la déréglementation

Pendant 24 heures (du jeudi 18 octobre à 4 heures du matin au vendredi 19 octobre à 4 heures du matin), des dizaines de milliers de chauffeurs de taxi ont arrêté le travail à Séoul, et organisé par ailleurs une manifestation le 18 octobre à 14h, place Ganghwamun. Leur objectif ? Obtenir que ne se mette pas en place l’application Kakao Mobility, application de partage de véhicules sur le réseau social Kakao – le plus utilisé en République de Corée – et qui aurait un fort impact négatif sur les conditions de travail de la profession.

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Mouvement des chauffeurs de taxi séoulites devant les bureaux de Kakao Mobility, le 11 octobre 2018

En Corée du Sud, les mouvements sociaux font encore reculer la déréglementation libérale : en 2013, Uber avait dû cesser ses activités à Séoul après les protestations des chauffeurs de taxi et d’officiels de la capitale.

Bien que ne recueillant pas l’assentiment d’une majorité des personnes interrogées (selon des sondages), le mouvement des chauffeurs de taxi contre Kakao Mobility a été très largement suivi, à l’appel des différentes organisations professionnelles, notamment l’Association des taxis privés de Séoul et l’Association des taxis de Séoul. Et il ne s’est pas trompé de cible : en marchant en direction de la Maison bleue, siège de l’administration présidentielle, les manifestants ont bien souligné la responsabilité qui incombe aux autorités coréennes dans la mise en œuvre – ou pas – d’une mesure, qui n’était pas encore en place et, selon ses initiateurs, devait se limiter aux heures de pointe (le matin et le soir), en faisant croire que les besoins des consommateurs n’étaient pas satisfaits sur ces périodes – mais en évitant soigneusement d’aborder le seul argument qui vaille : qu’il s’agit d’une concurrence déloyale à l’exercice d’une profession réglementée, protégeant également les consommateurs en cas d’incident (accidents, fraudes…).

Mais de la même manière qu’en France l’inversion de la hiérarchie des normes (permettant aux accords à un niveau inférieur de déroger aux règles de droit supérieures) avait déjà ouvert une brèche en étant initialement limité à quelques domaines de la négociation collective, c’est le principe même de Kakao Mobility dont il s’agit d’empêcher qu’il ne trouve un début de concrétisation.